Rosetta-Tchouri - le baiser d'adieu
Après deux ans de survol, la sonde Rosetta a achevé sa mission en se posant sur la comète Tchouri, d'où elle a cessé d'émettre. Retour surles grandes découvertes de cet ambitieux programme européen.
Un drame à plus de 710 millions de kilomètres de la terre. Compagne de voyage de la comète Tchouri pendant plus de deux ans, la sonde Rosetta doit se poser à sa surface le 30 septembre vers 12h30. Un impact fatal sur Ma'at, une région de puits d'effondrement actifs, à la vitesse de moins de 2km/h, préédé d'un dernier souffle : la transmission vers la Terre d'une ultime volée de données. Ainsi doit s'achever une spectaculaire mission européenne durant laquelle les Terriens ont pu suivre les aventures inédites de ce couple star de l'espace : Rosetta et son petit atterrisseur robotisé, Philae, premier engin à se poser à la surface d'une comète.
Avant de disparaitre à jamais, Rosetta et Philae ont écrit une grande page de l'histoire des comètes. En s'approchant de Tchouri, puis en parvenant pour l'un à toucher son sol après de multiples rebondissements au sens propre comme au figuré, ces deux engins ont espionné le moindre mouvement de l'astre : le formidable accroissement de son activité au fur et à mesure de son approche du Soleil, le déploiement de sa chevelure, puis son retour au calme après son passage au périhélie. Au péril de leurs instruments de bord, soumis à des écarts de températures allant de -270°C à plus de 80°C lors du passage au plus près du Soleil, les eux compères ont transmis aux centres de Darmstadt, Madrid, Cologne et Toulouse, des milliers de données sur sa structure et sa composition qu'il faudra encore une dizaine d'années pour éplucher. Avec, à sa clé, des réponses à des nombreuses questions qui se posaient les scientifiques sur les comètes. Voici les principaux enseignements de cette ambitieuse mission d'un coût de 1,4 milliard d'euros.
Une formation par accrétion de deux blocs
Alors que les astonomes européennes s'attendaient à découvrir une forme vaguement sphérique, ils ont eu la surprise de constater que Tchouri présentait la forme d'un canard de bain de 4,5 km avec un corps et une tête. Pourquoi cette forme à deux lobes ? Une étude poussée de la stratification en multiples couches observée sur la comète couplée à son champ de gravité a montré que cet aspect singulier est dû en fait à la fusion au moment de la formation de l'astre en même temps que notre système solaire (4,6 milliards d'années), de deux blocs distincts qui se seraient percutés à faible vitesse, se "soudant" ainsi l'un à l'autre.
On a compris comment fonctionne une comète
Tchouri étant lancée sur une orbite la rapprochant du Soleil à des vitesses de10 à 30 km/s. Rosetta a pu observer grâce à ses 11 instruments scientifiques les très importantes variations de sona activité alrs qu'elle étant soumise àà un flux de chaleur solaire croissant. De quoi mettre en évidence son fonctionnement que l'on peut expliquer ainsi : l'onde de chaleur provenant du soleil frappe à la surface de la comète et y pénètre, sublimant (passage de l'état solide à l'état gazeux) les glaces et produisant un échappement de ce gaz. Mais la comète tournant sur elle-même (avec une période d'un peu plus de 12h), celles-ci se refroment très vite à la surface des zonrrd non exposées au rayonnement solaire. Pourtant, leprocessus de sublimation se poursuit en profondeur : la vapeur d'eau se fraie un chemin jusqu'à la surface où elle gèle de nouveau. Lorsque la comète est une nouvelle fois exposée au Soleil, le cycle recommence.
Par aileurs, les astronomes ont observé la naissance de véritables trous, pouvant atteindre plus de 100 mètres de diamètre et encore plus de profondeur, qui éjectent de puissants geysers de vapeurs à plus de 2000 km/h. Un effet Karcher qui entraine des grains de poussière, et des fragmets de matière qui compose la comète.
Elle n'aurait pas apporté l'eau sur Terre
Les comètes étant formées en rande partie de glace, auraient, elles pu apporter l'eau de nos océans en bombardant en très grand nombre la Terre au fil de milliards d'années ? Pour répondre, Rosina, un spectromètre embarqué sur la sonde Rosetta, a analaysé les molécules d'eau de la chevelure de Tchouri. L'étude a consisté à mesurer la proportion d'hydrogène (H) par rapport à celle de son isotope, le deutérium (D), leurs proportions relatives étant étroitement liées aux conditions dans lesquelles les molécules se sont formées. Verdit : le rapport D/H étant trois fois plus important que Tchouri que celui de l'eau Terrestre, ce ne serait donc pas des comètes que proviendrait notre eau ! en tout cas pas de Tchouri.
"Cela signifie que Tchouri s'est formée très loin du Soleil, car un rapport D/H plus faible résulterait d'une formation dans un milieu plus chaud, plus proche de notre étoile" explique Patrick Martin, responsable de la mission Rosetta à l'ESA. Pourtant, l'affaire n'est pas encore entendue : d'autres comètes dites de la famille de Jupiter (dontl'orbite passe près de la géante) présentent en effet un rapport isotopique plus proche de celui de l'eau terrestre. "Mais il y a peut-être une incertitude sur les mesures. Même si celles réalisées par Rosetta ont une précision encore jamais atteinte", relativise François Rocard, responsable du programme système solaire au Centre National d'Etudes Spatiales. Le paradoxe est que 67P est une comète de la famille de Jupiter d'où la surprise de ce résultat. Les scientifiques se tournent donc vers l'autre hypothèse : celle des astéroïdes. "Certes, ces derniers contiennent beaucoup moins d'eau mais ils sont beaucoup plus nombreux. La mission OSIRIS-REx devrait fournir de nouvelles données pour étudier cette piste", complète Francis Rocard.
On comprend la génèse de la comète
La Comète Tchouri s'est-elle formée en même temps que notre système solaire ou agit-il d'une voyageuse bien plus ancienne qui a fini par être capturée par le champ de gravitation du Soleil ? "Les observations et détections (notamment par le spectromètre Rosina) de molécules comme l'azote, l'oxygène et l'argon suggèrent que la comète s'est formée très tôt dans le système solaire", explique Patrick Martin. Des études montrent que l'oxygène moléculaire qui la compose (elle en contient 3%, ce qui est énorme) est même plus ancien que le système solaire, et aurait été emprisonné dans la glace de Tchouri lors de sa formation.
Source : Sciences et Avenir / Octobre 2016, numéro 836