Sur la piste des extraterrestres
L'équation de Drake ou la proximité d'existence d'autres civilisations
Cele fait 55 ans que les astronomes examinent sous toutes les coutures la fameuse équation de Drake, estimant le nombre potentiel de civilisations extraterrestres communicantes dans la Galaxie... Aujourd'hui, sa valeur est revue fortement à la hausse.
Depuis que nous sommes en mesure d'envoyer des signaux codés vers des étoiles lointaines, nous avons ecouté grâce aux radiotélescopes plus d'un milliard de fréquences différentes ! Mais si force est de constater qu'aucun E.T ne sert encore manifesté malgré une folle rumeur qui a alimenté la toile cet été, l'estimation du nombre de civilisations extraterrestres susceptibles d'exister dans l'univers a considérablement évolué. A l'heure où la découverte de l'exoplanète Proxima b à 4,2 années lumière de nous a crée beaucoup d'émoi, deux articles scientifiques viennent même de parvenir à en évaluer la fourchette. Le tout, en précisant les termes de la célèbre et très sérieuse "équation de Drake" dont l'objectif est d'estimer combien de civiliqations seraient capables de communiquer avec nous. Selon les calcules des Américains Adam Frank, de l'université de Rochester, et Woodruff Sullivan, de l'université de Washington à Seattle, la probabilité minimale d'existence d'une vie extraterresre intelligente serait ainsi de... un millionème de milliardième de milliardième. Extrêmement faible, certes, mais non nulle...!
Pour comprendre l'intérêt de ces calcules de prime abord anecdotique, il faut faire un bond en arrière et revenir en 1959, lorsque deux physiciens de l'université Cornell, Philip Morrison et Giuseppe Cocconi, publient dans la revue Nature une étude qui fait date sur les communications interstellaires et les signaux pouvant se propager très loin dans l'espace. Etudiant en radioastronomie dans la même université, le jeune Frank Drake dévore l'article. Il décide aussitôt de monter le projet Ozma - insipré du magicien d'Oz - qui utiliserait le radiotélescope de Green Bank en Virginie Occidentale. Objectif : envoyer un signal à deuxétoiles proches du système solaire (Epsilon Eridani et Tau Ceti) en esperant recevoir une réponse. Le programme, peu onéreux, démarre sur les chapeaux de roue et une fausse alerte provoque même beaucoup d'émoi. Mais après 200 heures d'écoute, il faut bien se rendre à l'évidence : les espaces infinis restent muets... Drake décide alors de rationaliser sa recherche en proposant une estimation mathématique du nombre de civilisations extraterrestres éventuelles dans notre galaxie. C'est la fameuse équation qui porte son nom, elle indique que le nombre de civilisations extraterrestres est égal au produit de sept termes, pas un de plus.
"Cette équation fournit un cadre de réflexion intéressant", estime Nicolas Pratzos, de l'Institut d'astrophysique de Paris. Pour preuve : depuis sa formulation en 1961, elle ne cesse d'enflammer les esprits, chacun pouvant débattre à l'infini de la valeur des paramètres choisis par Drake. Pendant longtemps cependant, les astronomes ont plutôt brodé dans le vide, ne sachant pas trop comment déterminer ces valeurs, faute de connaissances suffisantes. "Jusqu'à ce que la recherche des exoplanètes batte sin plein", rappelle Nicolas Prantzos, entrainant ainsi l'envolée du paramètre concernant le nombre d'étoiles possédant une planète. Le compteur ne cesse, depuis, de s'affoler : 3516 étaient recensées fin aout alors que les scientifiques n'en connaissaient aucune en 1995. Il en existerait même des centaines de milliards, à en croire l'astrophysicien Arnaud Cassan qui, dans une étude de 2012, estime que chaque étoile de la Galaxie possède 1,6 planète de plus de 5 masses terrestres en moyenne. Qui plus est, certaines étoiles ont davantage de planètes en orbite ont davantage de planètes en orbite que les autres. C'est le cas des naines M, qui constitient 90% de notre environnement stellaire, chacune étant reliée à 3,1 planètes en moyenne selon l'évaluation d'eric Gaidos, de l'université de Hawaii, en 2015.
La vie "intelligente" pourrait-elle trouver refuge sur ces planètes situées en "zone d'habitabilité" ? Pas si simple ! Car, comme le fait la Lune avec la Terre, elles montrent toujours la même face à leur étoile. "Or il n'est pas facile de concenvoir une vie sur une surface où il fait toujours jour, ou toujours nuit", explique Alain Lecavalier des Etangs, spécialiste des exoplanètes à l'Institut d'astrophysique de Paris.
Difficile... mais pas impossible, comme vient de le montrer une étude belge parue en juin. Ludmila Carone, Rony Keppens et Leen Decin, de l'Université catholique de Louvain, révèlent en effet que le climat n'y seraut pas si inhospitalier, à condition qu'elles possèdent une atmosphère. Celle-ci tempère en effet de 25°C les températures entre la face éclairée - où il ferait presque 100°C - et la face sombre où l'eau gèlerait. Pourtant, la vie dans le voisinage des naines M resterait aventureuse : celles-ci sont en effet "sujettes à des éruptions ionisantes soudaines et très violentes", précise Alain Lecavelier des Etangs.
Ne pas confondre "habitable" et "habité"
C'est pourquoi les recherches s'orientent désormais davantage vers des étoiles ressemblant au Soleil. Et les opportunités ne manquent pas. 3en ne prenant que les toiles entre 0,7 et 1,2 masse solaire, le résultat de la multiplication des trois premiers facteurs de la formule de Drake est égal à 0,1", calcule Nicolas Prantzos. Ce qui signifie que 10% de toutes les planètes que l'on trouve dans la galaxie seraient habitables! Mais il faut cependant tempérer l'enthousiasme car il ne faut pas confondre "habitable" et..."habité". Et il reste en outre à évaluer le facteur le plus ddificile, c'est-à-dire la probabilité que toute vie évolue vers une forme intelligente et capable de communiquer. La tâche est difficile. En effet, l'estimation de cette valeur dépend des réflexions philosophico-sociologiques que l'on peut nourrir sur les civilisations dans leur ensemble et la nôtre en particulier, le suel exemple dont nous disposons. Les plus optimistes lui attribuent près de 50% de chance, tandis que les Américains Adam Rank et Woodruff Sullivan ont donc calculéla probabilité minimale d'existence... à un millionième de milliardième de milliardième. Reste, dans la formule de Drake, le terme T représentant la durée de vie d'une civilisation communicante. Nous, Terriens, sommes capables de lancer des signaux dans l'espace depuis 50 ans à peine.
Avec les valeurs Rastro de 0,1 et fbiotee de 0,5, les claculs sont désormais les suiva,ts : il faudrait que deux civilisations communicantes - si tant est qu'il existe une seconde - "patientent" 40 ans pour envoyer des signaux et 80 ans pour pouvoir communiquer, le temps de l'aller-retour des messages. De quoi frapper une mémoire humaine.
C'est sur cet argument que se fondent les partisans des grands progralles de recherche, comme Seti (Search for Extra-Terrestrial Intelligence) qui a mobilisé pendant des décennies le radiotélescope de 300 m de diamètre d'Arecibo de Porto-Rico, dans les Antilles, pour la recherche des signaux extraterrestres. Un programme qui, malgré l'absence de résultat, sera repris dès la fin de cette année par le nouveau radiotélescope chinois Fast de 500 m de diamètre. Mais si la probabilité minimale d'existence d'une vie extraterrestre intelligente capable d'échanger n'est réellement que de un millionème de milliardième de milliardième, notre civilisation a l'obligation de "tenir" encore au moins 40 millions de milliards de milliards d'années si elle veut conserver l'espoir d'entrer en contact. Plus que l'éternité.
Source : Sciences et Avenir - Octobre 2016 - numéro 836